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Monter sans mors : un gage de bien-être ?

Souhaitez-vous comprendre les signaux subtils que votre cheval vous envoie ?

La monte sans mors est devenue de plus en plus populaire au fur et à mesure des années dans le milieu équestre. Effectivement, le bien-être du cheval et l’approche éthologique se sont doucement mis au coeur de nos pratiques, prônant un certain retour au naturel dans notre équitation. Ainsi, beaucoup de cavaliers ont retiré le mors de leurs chevaux dans l’objectif d’ajouter du confort au cheval et de le respecter un maximum. Mais est-ce vraiment le cas ? Changer d’équipement suffit-il pour changer notre équitation ?

Les effets de la muserolle

Quand on monte sans mors, on choisit généralement un licol « éthologique » ou un Side-Pull. Ces deux outils ont majoritairement des actions sur la muserolle (certains types de bride sans mors peuvent mettre des pressions sur la têtière également) contrairement aux filets. Il me semble donc important de commencer cet article sur les effets de la muserolle.

Sur un filet classique équipé d’un mors, les muserolles ont deux objectifs : l’esthétisme et faire en sorte que le cheval garde sa bouche fermée (Hill et al., 2015). De cette façon, les muserolles permettent au cavalier de garder le contrôle du cheval en l’empêchant de passer sa langue au dessus du mors. Il existe des lignes directrices pour régler correctement une muserolle, notamment pouvoir passer deux doigts entre le chanfrein et la muserolle (Doherty et al., 2017).

Sans surprise, de nombreux cavaliers ne respectent pas cette règle et les chevaux ont régulièrement leur bouche comprimée par la muserolle. L’étude de Doherty et al. en 2017 sur 750 chevaux a montré que 7% de ces chevaux avaient de la place pour accueillir 0,5 doigt, 23 % avaient de la place pour 1 doigt, 19 % pour 1,5 doigt et 44 % portaient des muserolles qui ne laissaient aucun espace entre la muserolle et le plan nasal. Seulement 7% des muserolles auraient réussi le test historique et permis le placement d’au moins 2 doigts. Il n’existe aucune étude, à ma connaissance, sur le pourcentage de muserolles sur des brides sans mors (Side-Pull) correctement réglées.

Pourtant, il y a de nombreux effets négatifs à ce mauvais ajustement de muserolle :

Monte sans mors
Images thermographiques prises avant et après le port de la muserolle pendant 20min © L. Boichot et Dr I. Burgaud

La majorité de ces études sur les effets de la muserolle ont été réalisées sur des filets avec un mors, où la pression était principalement exercée sur ce dernier. On peut alors se poser la question :

Rajouter à ces effets négatifs la pression permanente exercée quand on monte avec un Side-Pull (puisque ses actions se font uniquement sur la muserolle), est-ce vraiment donner du confort au cheval ?

La tension sur le Side-Pull

L’étude de König von Borstel et al. en 2019 a mesuré l’acceptation volontaire de la tension des rênes de diverses brides sans mors par rapport à un mors de filet simple brisure. Les chevaux de l’étude pouvaient atteindre des seaux de nourriture devant eux. Afin d’accéder à la nourriture, ils devaient pousser contre les rênes. Les chercheurs ont donc testé chaque cheval avec chaque type de bride plusieurs fois par jour, plusieurs jours de suite.

D’après les résultats obtenus, les chevaux tiraient tous leur tête à peu près à la même tension de rêne quelle que soit la bride, à une exception près : l’une des brides sans mors semblait causer beaucoup plus d’inconfort que toutes les autres brides dans les tests. Les chevaux ont cessé de tirer les rênes à des niveaux de tension beaucoup plus bas avec une bride sans mors à traction latérale.

Effectivement, les brides sans mors ont souvent une muserolle plus rigide et plus fine que les autres. Les chevaux seraient donc dans un état d’inconfort plus important avec une bride sans mors qu’avec une bride avec mors.

Mors ou sans mors, telle n’est pas la question

D’après les paragraphes précédents, le fait de monter sans mors ne montre en aucun cas que nous respectons davantage le bien-être mental et physique de notre cheval. Il y a autant de chevaux stressés et blessés en mors qu’en sans mors. Les problèmes les plus importants et surtout les plus banalisés en monte sans mors sont le mauvais ajustement de la muserolle et la tension exercée sur les rênes. Nous croyons à tord que, puisqu’ils n’ont pas de mors dans la bouche, nous pouvons mettre davantage de tension dans nos rênes.

De ce fait, nous devrions prendre soin d’ajuster chaque outil, quel qu’il soit, à l’aide des lignes directrices prévues à cet effet. De plus, c’est notre rôle d’éduquer nos chevaux correctement pour répondre à nos jambes. Nous devons leur apprendre à répondre au poids de notre corps pour avancer, ralentir, se déplacer à gauche et à droite… Mais avant même de leur apprendre quoi que ce soit, c’est à nous en tant qu’humain de s’instruire en amont sur la manière dont les chevaux apprennent afin de maximiser leur état de bien-être et de respecter leur intégrité physique et mental.

Le licol, le Side-Pull, et même le filet sont des outils de communication qui ont pour but de nous aider à nous faire comprendre et éventuellement à ajouter de la précision dans nos demandes. Un cheval devrait avoir la même attitude peu importe le type d’harnachement utilisé : c’est là que se mesurent les compétences du cavalier.

De mon point de vue, la seule vraie raison pour choisir de monter son cheval sans mors serait la poursuite du travail au sol. Effectivement, si nous éduquons un cheval à pied à l’aide d’un licol à répondre correctement à la pression reçue, il va de soi que, pour son éducation, il est préférable de poursuivre le travail en selle avec le même outil utilisé : un licol. Le même raisonnement peut s’appliquer avec un mors.

Pour ma part, j’aime monter avec différentes ennasures : licol en corde, bosal, bride sans mors… Selon le type d’harnachement, je veille à gérer la pression que j’exerce et j’adapte toujours mes demandes. J’ai fait le choix de ne pas monter Tangka avec un mors. Pourtant je serais très curieuse de le travailler de cette façon pour évaluer ma technique et la qualité de mes demandes. C’est d’ailleurs ce que je vais faire d’ici peu. Je suis toujours épatée par la capacité des chevaux à s’adapter et à généraliser les comportements appris !

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