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Retour d’expérience en écurie active

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Pour des raisons de confidentialités, il n’y aura aucune photo sur cet article pouvant vous guider vers l’écurie active en question. Les illustrations viennent principalement des Ecuries de Lisors en Normandie que je décris dans un paragraphe de cet article.

Vous qui êtes dans ce type d’établissement équestre ou en êtes farouches défenseur(/se), n’y voyez pas un quelconque jugement. Cela reste mon avis personnel, fruit de ma propre expérience. Sachez que Tangka est très atypique et il a été le seul à avoir ce comportement. Ça ne remet en aucun cas le principe en cause. Seulement son fonctionnement qui n’a pas été adapté à mon cheval.

Une écurie active, qu’est ce que c’est ?

La recherche d’un hébergement alternatif est de plus en plus à la mode dans notre pays. Le paddock paradise est très populaire mais l’écurie active a doucement fait sa place depuis déjà plusieurs années.

Schéma d’une écurie active (source : La Cense)

L’écurie active permet de limiter les contraintes exercées par l’hébergement sur le cheval. De manière générale :

  • Les chevaux vivent en groupe dans un espace clos divisé en plusieurs zones (alimentation, repos…), comme vous pouvez le voir sur le schéma ci-dessus ;
  • Ils peuvent se déplacer dans plusieurs aires différentes par eux-mêmes ;
  • L’alimentation est automatisée et gérée par un distributeur permettant ainsi d’adapter la ration au cheval.

2018, Tangka en écurie active

En 2018 dans le nord de la France, après plusieurs mois passés en écurie active, Tangka a commencé à se montrer agressif envers ses congénères. Il lui arrivait de bloquer certains chevaux dans un coin. Il ruait dessus en poussant des « hurlements » (au vu de l’intensité, je me permets d’utiliser ce mot) jusqu’à ce que l’autre cheval trouve un moyen de se dégager. C’était très très violent. Ces comportements se produisaient, à la fois aux zones de nourrissage (= les distributeurs) mais également dans les zones destinées au repos où aucune nourriture n’était en jeu.

Pourtant, rien n’avait changé. Tangka vivait auparavant en pâture accompagné de deux autres chevaux. Il n’avait jamais manifesté de tels comportements. A l’époque, j’avais émis l’hypothèse que c’était le manque de stimulation due à mon absence liée à mes études supérieures. Sauf que, l’année précédant son intégration en écurie active (vous me suivez toujours ?), j’étais partie six mois à l’étranger laissant Tangka seul avec ses camarades. Aucun incident ne s’était produit. J’avais donc rapidement rejeté cette hypothèse.

Autre hypothèse faite par les gérants de la structure : Tangka est fou et a des problèmes mentaux. Vous pouvez de suite imaginer que je ne m’étais pas arrêtée à cette réflexion…

Le budget temps et l’alimentation en EA

Tout d’abord, le budget temps. Un cheval en liberté passe en moyenne 16h à manger par jour, 1h30 à observer son environnement et 6h à sommeiller (sommeils légers et profonds confondus).

Des stéréotypies (tics à l’ours, frapper dans la porte, jouer avec sa langue…) peuvent se développer si le cheval passe trop de temps à observer. C’est souvent le cas des chevaux hébergés en box sans contact visuel avec leurs congénères. Les stéréotypies sont une façon pour le cheval de faire face à son environnement qui n’est pas adapté à ses besoins physiologiques. En revanche, les chevaux ne vont pas tous développer ce comportement face à un milieu insatisfaisant. Certains peuvent aussi déclarer une boiterie, avoir un manque de motivation, faire une colique ou un ulcère, devenir soudainement énervé…

Distributeur de foin aux Ecuries de Lisors

Le foin était situé dans des distributeurs (photo ci-dessus). Le principe était le suivant : les chevaux étaient munis de collier électronique où était enregistré leur ration quotidienne. Lorsqu’ils se présentaient au distributeur, celui-ci détectait le collier et selon si le cheval avait mangé son quota ou non, la porte s’ouvrait et le cheval avait alors la possibilité au cheval de manger du foin pendant une période limitée. Si ce n’est pas clair, vous trouverez facilement des vidéos sur YouTube. Cette période servait de « ration » et était de 20 minutes toutes les heures.

6 distributeurs au total était situés dans sa zone d’habitat… pour 17 chevaux. D’une part, ils étaient extrêmement régulés et d’autre part, ils ne pouvaient pas tous avoir accès au foin en même temps. C’est sans oublier les chevaux qui ne s’étaient pas habitués au principe et qui stagnaient dans les distributeurs.

Il arrivait alors à certains chevaux (comme Tangka) de tourner autour des distributeurs pendant 15 minutes en attendant désespérément leur tour. Je me demande toujours aujourd’hui quelle quantité d’hormones orexigènes (cortisol et ghréline) a été produite durant ce laps de temps… et quel degré de frustration a été ressenti.

Les points d’alimentation étaient globalement au même endroit, ce qui pouvait aussi être à l’origine de comportements agressifs = compétition pour la nourriture dans un espace restreint.

Je suppose que le temps d’observation (ici, le temps d’attente) était trop important comparé au temps d’alimentation dans la zone écurie, d’où le fait qu’il réagissait comme cela près des dortoirs et des distributeurs. Tangka n’a pas présenté de tics mais une forte violence qui pourrait être expliquée par ces suppositions.

Composition et taille du troupeau

Scientifiquement, le troupeau est fait de plusieurs groupes d’individus. Chaque groupe est constitué d’environ 4 chevaux. On parle d’intégrité du troupeau, et plus particulièrement de « synchronisation entre les membres » quand chaque cheval sait où est sa place, qu’il est rassuré par des habitudes de vie claires et structurantes. Des groupes de 3 à 4 chevaux s’étaient formés avec le temps.

Exemple de couloir aux Ecuries de Lisors

Une écurie active est faite de couloirs, ou « parcours intuitifs », d’une largeur plus ou moins variable. L’espace des couloirs dans l’écurie où se trouvait Tangka était insuffisant (je n’ai plus les chiffres en tête) et ne permettait pas aux différents groupes de chevaux de ne pas se croiser. Ils entraient alors en conflits.

De plus, les relations peuvent mettre 4 à 6 mois pour se créer et l’intégration de chevaux (parfois plusieurs en un mois de temps) n’a pas aidé Tangka à trouver sa place au sein du groupe, qui est censé être essentiel pour maintenir l’équilibre mental chez un cheval. Je ne pense pas que le nombre soit une des raisons liées au comportement qu’a eu Tangka. En revanche nous savons qu’un surnombre développe l’agressivité, limitant ainsi les espaces personnels de chaque cheval.

Le budget temps et le sommeil en EA

Comme dit plus haut, il n’y a pas d’agressivité dans un groupe de chevaux. Un cheval bien dans son groupe ne doit ni agresser les autres ni être agressé par eux. Les membres doivent pouvoir compter les uns sur les autres et se sentir en sécurité ensemble. A l’état naturel, la survie du troupeau dépend de la grégarité. Ce sentiment de sécurité est primordial pour qu’un cheval puisse se détendre et profiter de vrais moments de repos. On entend par moments de repos, le sommeil.

Je ne vous apprends rien : les chevaux peuvent dormir debout. Pour la petite histoire, ils le peuvent par un système d’accrochement de leurs rotules leur permettant de bloquer les postérieurs et de maintenir la rectitude des antérieurs. Par ce mécanisme, ils peuvent « s’endormir » sans tomber, en maintenant un tonus musculaire nécessaire au maintien de cette position. Néanmoins, ce tonus ne leur permet pas de réaliser un sommeil profond qui est par ailleurs infiniment précieux pour leur santé grâce aux nouvelles connexions neuronales établies suite à l’intégration des expériences vécues. Pour profiter d’un sommeil profond, ils doivent se coucher. Or, le cheval étant un animal proie, il a besoin qu’un autre cheval reste vigilant à ses côtés pendant la vingtaine de minutes dont il aura besoin pour atteindre profiter de ce sommeil. Un cheval bien dans son groupe, se verra régulièrement couché, profondément endormi au milieu de ses congénères.

J’allais voir Tangka tous les jours et il était surveillé par les gérants de façon quotidienne. Nous ne l’avons aperçu qu’une seule fois couché en plusieurs mois. Ca n’a pas dû être la seule fois, mais ça appuie encore une fois le fait qu’il n’avait pas l’air de se sentir bien au sein de son troupeau, ou plutôt de son groupe. Par conséquence, le manque de sommeil profond a pu l’amener à développer des comportements extrêmes, signes de mal-être.

Finalement, que devez-vous retenir ?

  • Nourriture limitée pour le nombre de chevaux présents ;
  • Difficultés à former un groupe dû aux nombreuses intégrations ;
  • Espace insuffisant pour que les chevaux ne se croisent pas ;
  • Observation de l’environnement trop importante par rapport au budget temps d’un cheval en liberté ;
  • Moments de repos pas assez présents dans le quotidien de Tangka.

Après multitudes recherches et comparaisons, il y a peu d’écurie active comme celle-ci. En effet, elles disposent généralement de cordais à glissière autrement dit de distributeurs de fourrage communs automatisés donnant accès au foin pendant plusieurs heures et en groupe. Rappelons que l’alimentation et l’abreuvement sont des activités sociales chez les chevaux. Le nombre de chevaux et la superficie des espaces varient d’une structure à une autre mais globalement, le rapport nombre de chevaux/superficie était moins important.

Je pense toujours que ce système est bien pour les régions pluvieuses n’offrant pas la possibilité d’avoir des chevaux dehors H24. Tous les sols sont stabilisés en écurie active. Néanmoins, il me semble important de souligner le fait que ce n’est pas le  » concept  » qu’il faut juger (de manière positive ou négative) mais l’aménagement global de l’établissement. Combien de chevaux pour quel espace ? Faut-il les répartir par affinité et non par sexe ? De quelle manière nourrir les chevaux : individuel ou en groupe ? Avec quel dispositif ? Combien de distributeurs ? Quelle taille pour les couloirs ? Faut-il enrichir l’environnement par des embuches et du relief ?

Je pense aussi qu’en général, il y a un manque cruel de notions de management dans les écuries, qu’elles soient « actives » ou non.

Le bon exemple des Ecuries actives de Lisors

En 2022, à l’occasion d’un déplacement professionnel en Normandie, j’ai eu l’opportunité de visiter les merveilleuses Ecuries de Lisors proche de Deauville gérées par Pascal Frotiée. J’avais envie de visiter une nouvelle écurie active qui était managée autrement que celle dont j’ai fait l’expérience. Je remercie encore Pascal et Claire Neveux (Ethonova) pour cette visite.

Pascal a pensé son système en fonction des chevaux, ce qui est déjà bien différent que celle dans le nord de la France. Le gérant a pris soin d’observer tous les chevaux de ses écuries. La structure globale est donc aménagée selon le temps de nourrissage de chaque cheval, de leur âge et des groupes d’affinités. Les chevaux sont hébergés en troupeau mixte et disposés dans l’écurie en fonction de leurs besoins énergétiques. Le temps d’alimentation a été modifié en adéquation avec le nombre de passages dans le distributeur entre chaque ration, le poids des équidés et leurs activités.

Pascal Frotiée qui observe, analyse et gère l’alimentation des chevaux à distance
Ecuries de Lisors, partie accessible pour les chevaux aux besoins importants (= foin à volonté)

Il y a suffisamment de place dans l’écurie pour que les chevaux choisissent leurs « partenaires » et forment des groupes équilibrés. Suffisamment de place également pour que les différents groupes de chevaux ne se croisent pas ou s’évitent sans aller au conflit.

Les chevaux peuvent donc se reposer correctement sans être gênés et Pascal a enrichi l’environnent de ses écuries afin de diminuer le temps d’observation.

Toutes les analyses et questions relevées liés au management d’une écurie active, les Ecuries de Lisors y ont répondu. Pour conclure ces deux expériences : un bon concept n’est rien sans un bon management.

Dernier questionnement qui subsiste : Pascal n’est pas passé par un commercial dans la création de ses écuries actives. Au delà du fait que la majorité de ses installations proviennent d’Allemagne (car il a été aux prémices de l’essor des EA en France), c’est lui-même qui a imaginé et fait les plans de son installation, contrairement à l’écurie dans le Nord où j’ai eu ma mauvaise expérience. Donc, est-ce qu’il y a un manque d’informations, de formations ou d’expertises de la part des commerciaux ?

Tangka aujourd’hui

Après être parti (ou devrais-je dire, viré) de l’écurie active, Tangka était littéralement traumatisé. Il était malheureux et personne ne le comprenait. Je souhaitais tout de même qu’il soit à l’extérieur. Je l’ai donc mis dans une écurie où il était hébergé avec une autre jument forte en caractère, dans une cabane avec un accès à l’extérieur. Tout s’est bien passé au niveau des chevaux. En revanche, dès qu’il était dans la salle de pansage ou autre espace « étroit » , je devais l’éloigner de tout autre cheval sinon, même scénario : il paniquait et ruait à ne plus s’arrêter.

En Juillet 2019, nous avons déménagé à Bordeaux. 80 hectares de propriété dans une forêt, une dizaine de copains mâles et femelles. Nourriture à base de foin, accessible H24, dans plusieurs ateliers bien espacés les uns des autres. J’étais très très stressée à l’idée de réintégrer Tangka dans un nouveau troupeau. Les vidéos suivantes parlent d’elles mêmes…

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